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Les voyages littéraires de Sabelie
27 mars 2013

L'élégance du hérisson, un plaisir

L’élégance du hérisson, par Muriel Barbery, éditions Gallimard, 2007.

 

Il y a de belles pensées dans le roman de Muriel Barbery. Le deuxième ouvrage d’une jeune femme publiée aux éditions Gallimard. Mais le premier que je découvre. Et j’avoue avoir apprécié cet ouvrage. Malgré les longues digressions philosophiques qui parfois m’ont barbée. Des parenthèses qui avaient le don de couper le lecteur de l’intrigue et de l’évolution des relations entre les personnages. Le monologue, ça va bien un temps. Mais quand il s’agit de donner une définition à l’Art ou de livrer une critique des films de machin chose, franchement je m’ennuie.

 

Non, le don de Muriel Barbery, c’est sa capacité à créer des personnages qui de prime abord n’ont rien en commun mais qui finissent par se trouver. Une concierge, une gamine surdouée des beaux quartiers, un Japonais très riche.

Trois personnes nés dans des milieux sociaux différents, élevés dans des cultures différentes mais trois personnes qui ont la même soif de culture.

Sans oublier Manuela, la femme de ménage, la meilleure amie et la seule de la concierge Renée Michel. La mère Michel qui a un chat prénommé Léon, hommage à Tolstoï. La littérature russe est aux anges dans ce livre…

Ce que j’ai aimé : la rencontre entre ces quatre personnages. Grâce à l’irruption au 7 rue de Grenelle de M. Ozu (dite Ozou). C’est lui finalement le personnage fédérateur. Lui qui va permettre à la concierge et à la petite surdouée de sortir de leur isolement en acceptant de considérer l’autre comme un ami potentiel et non un ennemi en puissance dont il faut se protéger.

Un livre sur la rencontre. La rencontre de l’autre et la capacité de soi à s’ouvrir à l’autre en laissant tomber les barrières.

 

Renée Michel est une veuve de 54 ans, qui a renoncé à l’autre depuis fort longtemps. Même quand elle était mariée, on a l’impression qu’elle était déjà seule. Traumatisée par la mort de sa sœur, elle a une façon de diaboliser la caste des riches, en considérant que pour sa survie, chacun doit rester à sa place.

Elle, issue d’un milieu populaire, famille de paysans, se doit donc d’incarner le stéréotype de la concierge. Pas question de laisser transparaître sa soif de culture, sa passion pour la filmographie japonaise, sa connaissance de Kant ou de la littérature russe. Non, elle s’est forgée l’image stéréotypée de la concierge bas de gamme, bien dans ses charentaises et qui passe ses journées à vivre par procuration à travers la lucarne du petit écran. Comment pour se protéger on en vient à se couper des autres… Car son cercle d’amis est plus que restreint : une amie, une seule. Manuela.

Et comment les gens se trouvent aveuglés par l’idée qu’ils se font des autres. C’est là où le livre de Muriel Barbery est un magnifique opus sur la rencontre : pour rencontrer l’autre, il ne suffit pas de lui adresser la parole. Il faut avoir l’envie véritable de l’appréhender, de savoir qui il est. Quand c’est tellement plus facile d’engoncer les autres dans des étiquettes. Femme de ménage ? Une pauvre vieille sans intérêt tout juste bonne à sortir les poubelles.

 

« C’est la première fois que je rencontre quelqu’un qui cherche les gens et voit au-delà », dit Paloma. Au-delà des apparences. Au-delà de l’image que l’autre cultive pour se protéger. Au-delà du carcan dans lequel nous enfermons l’autre quand nous posons sur lui le regard du conformisme et du préjugé.

 

« Nous ne voyons jamais au-delà de nos certitudes, et plus grave encore, nous avons renoncé à la rencontre ». « Si nous prenions conscience du fait que nous ne regardons jamais que nous-mêmes en l’autre, nous deviendrions fous ».

« Moi, je supplie le sort de m’accorder la chance de voir au delà de moi-même et de rencontrer quelqu’un ». Paloma encore.

 

C’est l’intrusion de M. Ozu dans la vie de l’ado qui a déclenché cette prise de conscience. Un homme étonnant de clairvoyance et d’ouverture d’esprit.

Etonnant : voir que Renée, elle qui trompait son monde depuis si longtemps avant l’arrivée de M. Ozu, s’est laissée à son tour trompée par la jeune Paloma. Uniquement parce qu’elle avait jugée l’enfant par rapport à sa snobinarde de grande sœur…

 

Vraiment un beau livre de ce point de vue là. Renée commence à s’extraire de sa coquille. Comment retourner dans le monde des vivants quand on a vécu caché au fond de sa loge depuis vingt ans (voire plus)…

 

Mais la fin… Je ne comprends pas la fin. Je redoutais une fin à la guimauve, une histoire d’amour à l’eau de rose japonaise entre Ozu et Renée. Ouf, l’auteur nous l’a évité. Mais de là à tuer Renée. Pourquoi ? Je ne comprends pas. C’est trop facile ça comme fin. On lance une histoire, les personnages grandissent, se révèlent, on s’attache, on les suit. Et boum, l’héroïne meurt écrasée par une camionnette. D’accord, Paloma en tire une leçon et renonce à se suicider pour traquer « le toujours dans le jamais ». Les instants de beauté. Mais franchement !

 

Un livre sur la rencontre, les autres, soi même, et toutes les barrières mentales, sociales, etc, que l’on met en place entre soi et les autres. Le rapport de classes bien mis en avant. Comment sortir de son milieu social pour en intégrant un autre. D’où l’incompréhension de la fin. Renée a l’impression de commettre une sorte de blasphème en copinant avec des gens riches qui ne sont pas de son milieu. Rester à sa place. « La mort est-elle sa punition ? », se demande-t-elle un instant…

 

Les personnages :

Renée Michel, veuve, 54 ans, concierge dans un immeuble bourgeois à Paris : dépense beaucoup d’énergie à se faire passer pour ce qu’elle n’est pas.

Manuela, femme de ménage portugaise, aristocrate, meilleure amie de Renée : généreuse.

Kakuro Ozu, riche japonais qui vient de s’installer au 4e étage de l’immeuble : claivoyant.

Paloma : ado de 12 ans, très intelligente, rejette son milieu familial et social. A décidé de se suicider. Lucide, mais voit tout en noir.

Et les autres : les résidents de l’immeuble. Que des riches…

 

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